Jour 46 : de Karasjok à Muonio (Finlande), 284 km
Total : 7 384 km
Nous nous réveillons au bruit des passants. En effet, deux trois personnes se baladent et frôlent notre van, à moins qu’ils ne soient des voisins ? Nous attendons qu’ils s’en aillent et faisons notre traditionnel réveil. Seule interrogation hyper étrange : le vélo pour enfant que nous avions trouvé, style abandonné près de l’espace feu et que nous avions déplacé un peu plus loin, est revenu au point de départ…. Euh… ??? Le petit signe trop bizarre, qui rajoute une couche à l’ambiance déjà chargée de la rencontre avec les animaux du coin et de l’aurore boréale nocturne. Ca me rappelle l’émission Mystère qui était diffusée quand j’étais petite…
Du coup assez naturellement, on ne s’attarde pas… Nous remontons en van et retournons sur nos pas de la veille. Je gare le van, près de l’église, la bonne cette fois-ci pour la visiter mais elle est fermée, comme toutes les autres… L’église est semble-t-il la seule rescapée des bombardements allemands de la ville. Ce qui nous vaut un nouveau débat sur l’Eglise en tant qu’institution, l’Histoire, les nazis, les guerres, les juifs, les catholiques, les laïcs et athées, les gouvernements et les représentations diverses et variées qui mènent la danse. Nous nous échappons sur fond de Papauté et des remises en question historiques, sous un ciel ensoleillé et parsemé de pluies, ce qui laisse naître une succession d’arcs-en-ciel. On est dans une région particulièrement sauvage, magnifique. L’ocre et le brun se mélangent harmonieusement, il y a un côté très automne.
Arrivés à Tokaïno, il est temps de faire une pause ! Cette ville est soi-disant peuplée de lapons, mais pour le moment nous n’avons croisé qu’une seule femme, en tenue traditionnelle, en vélo. En mon fort intérieur, je me dis que les lapons norvégiens, sont un peu comme les bretonnes et bretons français. Ils ne se baladent pas avec un chapeau régional sur la tête ou en robes traditionnelles. En même temps, d’après les guides, il semble que le peuple Lapon soit quand même assez indépendant et reste fidèle à leur territoire, qui est à cheval sur la Suède, la Finlande, voire un bout de la Russie. Je ne sais pas trop.
De loin, nous voyons une église, vers laquelle nous nous dirigeons. A l’entrée il a foule de voiture. Clément me dit d’y aller mais j’ai comme un doute. C’est étonnant tant de voitures. Je me rends compte aussi qu’il y a le drapeau sami qui flotte à côté de celui de la Norvège. Je me dis qu’il y a peut-être une messe, quand nous voyons sortir une personne de l’église, une sorte de lutin rouge et vert !
Un mariage Sami sous nos yeux ébahis !
Mais non ! Ce n’est pas un lutin, c’est un lapon ! En tenue traditionnelle, je comprends tout de suite : il y a une messe lapone ! Délire ! Ni une, ni deux, on se gare entre la foule de voiture. Nous entrons discrètement dans l’église comme deux espions qui se faufilent et restons bouche-bée dans le petit hall : c’est un mariage sami !
Une assemblée de rouge, de bleu, de vert, de costumes et de coiffes regarde un couple s’échanger leurs vœux, le tout dicté par une figure de prêtre ! Bien sûr on ne comprend pas ce qui est dit, mais la ressemblance avec le rituel catholique est frappante. Nous sommes comme des gosses ! Il y a des couleurs de partout, le grand reporter à mes côté bien sûr armé de son appareil photo prévoit la une de plusieurs mags avec ce scoop.
Il y a quelques couples avec nous, qui calment leurs bébés à l’écart de l’assemblée. Ils nous font comprendre par leur sourire que notre présence est tolérée et que les prises de photos de Clément acceptées. Ils comprennent aussi que nous sommes des touristes échoués ici par hasard… Ce n’est pas comme si nous n’étions pas lavés depuis des jours et des jours et que nous étions habillés comme des pouilleux. Personnellement, je suis en pyjama c’est pour dire. Pyjama, on s’entend, je porte mon legging noir et mon gros pull bleu pilou pilou, donc bon moyen moyen la tenue de mariage sami ! On ressent comme une petite honte, gêne, mêlée à une petite sensation de folie !
On redouble de discrétion et assistons quand même à la cérémonie. Tant pis, c’est trop fou pour louper ça ! A la fin de la messe, on se cache un peu au fond de l’église puis au sein de la foule. Mais personne n’est dupe, c’est assez clair que nous n’avons rien à faire là. Pour autant, personne ne nous fait de remarque et nous déambulons dans le flot de froufrous de couleurs. Comme en immersion dans un grand reportage d’Arte.
Au bout d’un moment, Clément sent que Pullizer n’est pas loin et tente de glaner quelques informations sur les significations des couleurs des ceintures, chaussettes et autres pompons. Elles indiqueraient des informations de statut, de famille, de place et autres distinctions. On comprend aux voitures et accessoires, type téléphones, que ces tenues sont celles dédiées aux cérémonies mais qu’en civil, la modernité a dû prendre le pas, comme un peu partout sur la planète.
L’ambiance me rappelle les mariages de mon enfance, où la sortie de l’église s’éternisent en retrouvailles de grandes cousineries. Nous nous planquons 10 minutes pour regarder tout cela à l’intérieur du van, le temps d’avaler un sandwich ou deux. Comme cela continue, nous ressortons et nous reperdons dans la foule. Petit à petit le parking se vide et une fois que le couple de jeunes mariés, quitte l’église, nous faisons de même. Un moment exceptionnel.
Au revoir Norvège, bonjour Finlande !
Nous continuons notre tour de la ville, à la recherche d’un lieu un peu particulier, cité dans le Petit Futé spécial Bobo en Laponie, et après quelques détours, nous trouvons enfin. Une maison d’artistes somptueuse, dont l’espace principal sert de salon d’exposition, de bijoux, de sculptures, de tapisseries et autres objets d’art. Hors de prix bien sur mais le lieu mérite le détour.
Chez les trappeurs !
Nous repartons avec deux trois souvenirs en poche et continuons notre route vers le sud. Nous passons la frontière finlandaise vers 19h. Les routes sont droites et plates, on sent que l’on a changé de pays. J’appuie sur l’accélérateur, mais deux rennes font leur apparition sur le côté et l’un des deux a la bonne idée de galoper à travers la route. Je fais un écart pour l’éviter et mon cœur sort de mon corps. Soulagement pas de bobo, ni l’animal, ni nous. Ambiance ! Nous continuons notre route vers Muonio car un restaurant nous a tapé dans l’oeil dans le guide pour bobos : un restaurant où l’on sert du renne ! En Norvège, vu les prix, nous n’avions fait qu’un seul restaurant, pour mémoire, il s’agissait d’une pizza et de deux pintes qui nous avaient couté la modique somme de 60 euros. Donc étonnamment, nous n’avions pas voulu reproduire l’expérience, d’autant que de tout façon, nous adorons le jambon.
Suite à quelques incompréhensions GPS sur les distances et les horaires, on se rend compte en fait que nous avons aussi changé d’heure ! On a avancé d’une heure ! Nice ! Ici, nous faisons face à de longues lignes droites avec un coucher de soleil qui n’en finit plus et des rangées infinies de sapins, la foret se fait de plus en plus dense. C’est le pied.
Nous arrivons à Muonio en début de soirée. Nous choisissons un camping en bords de rivière, à tomber par terre. Très mignon en bois typique trappeur. On dirait un camp scout américain ! Clément négocie la place, le wifi et la douche, mais nous sommes hors saison, c’est donné ! Le camping possède 2 saunas, 2 jacuzzis près de la rivière (fin de saison oblige, ils étaient tous fermés, trop dommage) et 3 lieux pour faire des feux. Il est vraiment top. Par contre du point de vue des commodités, il est moins bien pourvu. Seulement 2 douches/toilettes pour hommes et pour femmes pour une capacité de plus 60 personnes. Il y a aussi un lieu cuisine peu spacieux et non chauffé, qui est un peu roots, surtout qu’en septembre il fait bien frais !
Heureusement pour nous c’est la basse saison il n’y a personne… Nous avons la cuisine pour nous, alors ce soir c’est crêpes !! De plus, la nuit est à 25e, la wifi est de bonne qualité, l’électricité, et les douches sont comprises. Je répète : douche comprise illimitée !!!!! Nous sommes donc restés 4 heures et demie sous la douche chaude… Trop bon… En tout cas un camping nettement moins cher par rapport à la Norvège.
Nous tentons une approche lessive avant d’abdiquer pour finalement se concentrer sur les crêpes ! Clément lance un facetime avec ses parents pendant qu’Albane cuisine. Il est 23h, mais on s’en fiche. Ce moment est sympa comme tout et précieux. Clément est super content de voir ses parents. Cela fait plaisir de les voir en vrai, après deux mois de voyage. On débriefe tous ensemble du voyage. Après la cuisine et la vaisselle, le coup de fil, il est 2heures du matin, quand on va se coucher tout propre et… ça fait du bien !