Jour 40 : de Finnsnes à Segla, île de Senja, 57 km
Total : 6 066 km environ
Aujourd’hui, il faut que nous nous levions tôt ! Nous nous activons dès que possible pour trouver de quoi calmer les attentes de Clément. Nous partons à pieds en quête de puces Internet et nous séparons même pour doubler nos chances. Nous nous retrouvons plus ou moins par hasard dans un centre commercial qui devrait faire notre bonheur. Chacun à un étage, nous errons dans ces couloirs de boutiques semies-vides, qui nous rappellent la modernité hors de notre voyage. Cela nous semble assez loin et en si familier. Bon il y a tout sauf des puces internet. Nous filons à l’office de tourisme, le trottoir d’en face, rien non plus. Il faut se faire une raison, les norvégiens se fichent d’avoir Internet !
Alors tant pis, nous ferons Senja sans ! Un saut au supermarché du coin pour refaire le plein en jambon, en Nutella et deux trois cartes postales et hop nous repartons vers Senja. Il pleut toujours, ce qui nous inquiète. Car faire un détour quand on est juste dans le délai, sous la pluie, c’est quand même un peu dommage… On croise les doigts … Nous prenons ce fameux pont qui nous sépare de l’ïle et avançons. Petit à petit, le soleil revient et les montagnes de l’île apparaissent. Aaaaaaahhhhh en voilà un décor qui nous manquait ! Et oui, on en prend plein les yeux. Senja est aussi belle comme les Lofoten, et sans les touristes. Le français du camping avait raison, ça vaut le détour ! Bonheur !
Segla, notre point de chute à Senja
Désormais rassurés, cap sur Fjorgard, tout au nord, au bout de Senja pour faire la randonnée de Segla. Nous sommes au taquet pour revivre une nuit en haut de la montagne. L’esprit Charles Ingalls qui rôde dans le van surement. C’est un petit challenge caprice car nous avons peu de marge sur notre emploi du temps et la météo n’est pas top-top la fraise. Mais vaille que vaille notre fierté n’en prendra pas un coup !
En une petite heure, nous sommes arrivés. Il est 14h, on gare le van pour la pause déjeuner mais ce n’est pas ici le vrai point de départ. Clément part en quête du petit parking au début de la randonnée. Caché près d’une maison et derrière une école, il est parfait pour qu’on puisse un peu s’étaler ! Et oui, c’est le moment préféré : la préparation des sacs, car ce soir, nous dormirons là-haut ! La première nuit en haut de montagne ne nous a pas suffit, nous en redemandons ! C’est peut-eêtre aussi la dernière possibilité du voyage, donc il n’est pas question de louper cette possibilité !
Nous mettons beaucoup de temps. Il faut booker nos deux sacs persos, plus celui du camping, plus celui de la photo, plus faire le pique-nique du soir. Le temps que la pluie cesse et que le soleil revienne, nous prenons quand même le risque qu’il pleuvote mais nous voulons vraiment faire la randonnée donc nous nous organisons en fonction de l’appli météo. La fenêtre de tir est aux alentours de 17h, à ce moment je suis encore en train de boucler les sacs ce qui agace passablement Clément, ce qui du coup m’agace.
Une petite dispute lance le ton, et hop lourdement chargés nous voici à partir chacun dans notre coin. Le terrain est gadouilleux au possible et la nature est sauvage. Il faut être vigilant à chaque instant, sachant que le poids pèse lourdement sur nos épaules. Il faut dire que nous avons cette fois-ci pensé à tout. Réchaud, popote, vêtements chauds à ne plus finir. On est au top. Clément porte le matériel photo et la tente et peine. Trop lourd, il perd de l’énergie. Je pense porter moins donc je récupère la tente que je cale avec mon sac à dos et là ça va mieux. Réconciliation oblige, nous trouvons notre petit rythme mais le terrain n’en est pas moins glissant et parfois abrupte. Chargés c’est plutôt difficile et la gadoue n’aide pas mais par temps sec et peu chargé ça doit être facile. La randonnée n’est pas si longue que ça, et ne doit pas être très dure sans les sacs.
Senja, the place to sleep
Nous arrivons en peu de temps, car le chemin n’est pas si long, à la passe. C’est splendide même si le ciel est couvert. Le chemin continue vers le pic, mais il y a beaucoup trop de nuages au sommet. Nous décidons que nous le ferons demain matin plutôt, en plus il est déjà tard, il fait froid et la pénombre montre le bout de son nez. Nous continuons notre route sur la passe, à chercher une place où installer notre tente. Nous croisons un couple, les seuls êtres humains qui sont sur le chemin du retour. Ils ne sont pas non plus montés tout là-haut mais se baladent et redescendent. Je suis en quête du meilleur endroit et puis je suis assez séduite par une petite place un peu abritée du vent, au plat, avec une superbe vue sur le mont Segla. Adjugé !
Le challenge est bien entamé : nous montons la tente rapidement car le vent est tombé et il ne peut plus du tout. Clément se change et met la moitié de ses habits prévus pour le voyage sur lui : tee-shirt à manches longues, sweat, doudoune, k-way, collants, pantalon de ski, bonnet fétiche. Il est bien ! On se croit dans une pub pour Herta. Ca tombe bien c’est le moment de prendre le diner, que j’ai préparé cet après-midi, avec du riz déjà prêt et des saucisses au top et la traditionnelle soupe pour accompagner le tout ! Cette fois-ci pas de problème : on a pris le réchaud !!!! Et là malheur, le vent revient ! Comme c’est un peu la grosse galère à faire chauffer, Clément veut mettre le réchaud à l’entrée de la tente. Je suis moyen pour. Après négociation, je cède et on s’organise. Tout se passe bien. On est trop heureux de manger notre riz, face au fjord, dans nos tenues de bibendum. La nuit tombe petit à petit, et c’est vraiment le pied. Seuls au monde, en haut de notre montagne, on se sent dans une autre dimension.
Clément part faire des photos de nuit, il est fou de joie. Moi pendant ce temps je cherche à trouver des solutions pour ne pas geler en cours de route. Je me blottis finalement dans mon duvet, totalement habillée, et je rajoute toutes les couches que je peux. Rien à faire, l’air ne passe pas donc je ne me réchauffe pas. J’hésite à enlever de la couche mais je choisis l’option de garder. Grosse erreur. Me voilà à passer la nuit dans un congélo. Clément crapahute dehors et me rejoint. Là je sens comme une injustice terrible car il se faufile dans sac à viande en soie avec une seule épaisseur et dormira comme un bébé, au chaud. Nous nous endormons tous les deux sous notre tente en ayant peur de rien du tout, heureux comme des gamins, qui ont froids ou chauds mais qui s’éclatent.