Jour 27 : de Trofors à Bodo, 357 km
Total 4 913 km
Au réveil, après le shooting de la cascade version soleil du matin, nous profitons du cadre pour prendre un vrai café, un vrai de vrai. Vue sur le paysage, on prend le temps. Je traîne un peu les pieds dans la boutique de souvenirs à la recherche vaine d’une écharpe. A 80e la tasse souvenir, j’abdique. De retour à la réalité, on se perd dans les guides des randonnées possibles sur les Iles Lofoten. Pendant ce temps Clément imagine le film que nous avons promis de réaliser à Antoine de Freed Home Camper. Sauf que Spielberg Szmulewicz oublie que nous n’avons pas de drone ni les effets spéciaux de Stars War… Mais oui je sais il faut bien être ambitieux et rêver pour avancer, et… se surprendre soi-même à être meilleur qu’on ne le croit ou capable de 1000 et 1 choses et non juste d’une. Son côté gourou. En parlant de réaliser ses rêves, il y en a un qui nous tend les bras aujourd’hui : entrer dans le cercle polaire !
Le cercle 66°33′ Nord
Aller en route Spielberg, allons découvrir le grand froid. Nous roulons depuis hier en direction de Bodo, où nous aimerions prendre le ferry pour rejoindre les Iles Lofoten. Nous voyons sur la carte que le cercle polaire est au niveau de Mo i Rana, à 130 km environ d’ici, soit à 8 heures de route, timing norvégien, mouararfarfarf. Mais non, cette mauvaise langue… La route est droite, file entre les plaines, avec peu de virages, nous traversons des steppes de sapins, puis des espaces plus rases avec une végétation basse, ocre, rouge, les couleurs de la terre.
On dépasse Mo i Rana, déception, aucune indication de cercle polaire… mais il ne s’agit que d’un différé ! Très rapidement le van attaque une très looooooongue traversée toute droite, Clément filme, c’est canon, et sur notre droite se profile un parking, un bâtiment, une indication : bonjour cercle polaire !
Le cercle arctique est une ligne imaginaire, matérialisée par le parallèle 66° 33′ Nord. C’est à partir de cette latitude que le jour atteint son minimum en hiver et son maximum au moment du solstice d’été, avec le fameux « soleil de minuit »… Traversant la Finlande, la Norvège, la Suède, l’Islande, le Groenland, le Canada, l’Alaska et le nord de la Russie, le cercle polaire arctique délimite les terres et les océans de l’Arctique.
Bien sûr, on s’arrête. Clément s’engouffre dans le froid et le vent glacial, armé de son appareil. Pas un arbre à l’horizon, des kilomètres d’étendues, comme un petit désert. Nous déambulons sur un petit mont à côté du bâtiment, où sont disposés des centaines de cairns. Tous les voyageurs y déposent le leur. Nous n’échappons pas à la règle ! Je fais 200 vœux, toute fière de poser notre petit tas de pierres. A côté, il y a un mémorial pour les soldats russes ayant construits la ligne de chemin de fer, durant la seconde guerre mondiale. Par dessus des arcs-en-ciel se mettent à danser au dessus de nos têtes, en rafale. Un mélange d’ambiances, balayées par les vents. Magique.
Le cercle kébabé
Mais aussi magique soit-il, il fait froid, et je n’ai toujours pas d’écharpe. Donc ok pour affronter les ours polaires mais le cou protégé messieurs. Alors nous cédons à la tentation commerciale et touristique et entrons dans le bâtiment. Je trouve le cache-col le plus kitsch du pays, moumoute inclue, le pied. On meurt de faim et on en profite pour relever un défi car ici, oui, oui, ici même, à l’entrée de l’arctique, est le seul endroit depuis le début du roadtrip où on nous propose un kebab. Bon nous avons pour défi de manger un kebab norvégien. C’est trop tentant et tellement improbable que nous sautons sur l’occasion. Hélène spéciale dédicace. Mais quand même il y a des choses qui m’échappent. Comment vendre des kebabs à cet endroit si particulier ? Ca n’en rend le défi que plus spécial c’est sûr, c’est peut être juste pour ça :).
Du cercle aux îles…
Aussitôt englouti, on file dans le van compléter le repas par notre traditionnel sandwich du midi et on repart ! On est un peu niais à ce moment là. C’est un peu émouvant. La végétation revient, on roule bien, la route est bonne, il y a peu de virages, c’est très joli et pour une fois nous sommes sur une double voie. Je suis super motivée et je me vois bien arriver à Bodo tout à l’heure. Tellement motivée, qu’en sortie de pause-sieste, je grille une priorité à droite. Sauf qu’il s’agit d’un camion qui est à droite. Clément hurle, mort de trouille, moi plus sereine j’accélère pour réguler le trafic. Bon. Petite ambiance dans le van là d’un coup. Groumpf. La fin du voyage se fera dans un silence… euh… dans le silence.
Nous arrivons à Bodo dans cette folle ambiance vers 20 heures. Il fait nuit et la tempête se lève. Nous trouvons un endroit près de la mer pour poser le nid. On se fait une petite balade dans la tempête pour prendre l’air un peu, en bord de mer. En longeant on regarde les intérieurs d’appartements identiques. De grandes baies vitrées, je m’imagine un intérieur Ikéa couleurs pastels et doux et bon bah pas plus que ça. Globalement c’est épuré mais il n’y a pas pour autant les origamis jaunes, gris et bleus-ciel qu’on nous vend à gogo. Déception Ikéa est vraiment suédois. De retour dans le van, nous lançons l’opération : et maintenant on fait quoi ?
Et bien déjà une bonne soupe ! Le van tangue, il y a un vent de fou, de la pluie à grosses gouttes. On ne voit à peine à quoi ressemble cette ville car il faut déjà nuit. Sherlock Szmulewicz enquête sur les meilleures stratégies pour rejoindre les Iles sacrées. Il découvre qu’il y a peu de bateaux et qu’ils sont tous souvent pleins. Il aurait fallu réserver à l’avance. Oui mais pour nous impossible de prévoir. Mais il y a un MAIS. Une possibilité ! A 3 heures du matin, un bateau lève les voiles pour les Lofoten. Si il y a un bateau où nous avons plus de chance d’avoir de la place c’est celui-ci. On ne se pose pas la question, surtout qu’il est déjà minuit. Le temps de manger et de se faire un thé et on est bon !
Nous voilà à chercher le port vers 2h du matin. Brouillard, froid, pluie, un van déambule lentement, ambiance polar, on adore. Arrivés au port, on attend, on cherche des infos, on ne trouve pas vraiment, je me mets dans une file de voitures mais il n’y en a pas beaucoup. Sh Sz (Sherlock Szmulewicz, note de l’auteure) part enquêter auprès de la population locale. Et à raison car la file est constituée de voitures qui attendent le bateau qui rentre au port. Nous nous cherchons celui qui quitte le port, direction Moskenes. Wrong, mauvais choix. Ils sont quand même très gentils ces norvégiens à attendre leurs amis qui arrivent à deux heures du mat’ dîtes donc ! Bon on nous indique la route. Nous arrivons 1 heure avant le départ entre trois voitures. Autant dire qu’on a eu raison ! C’est un moment un peu excitant. Ca y est cette nuit nous traversons les 4 heures qui nous séparent des Iles. Je me revois les voir sur la carte et me dire « mais comment va-t-on faire, c’est au bout du monde… »
Nous prenons le bateau après avoir complété un questionnaire pour bien dire que Clément est un homme et que je suis une femme (???) et pensons naïvement qu’on pourra dormir dans le van durant la traversée… Mouhahah et non, nous sommes priés de quitter notre véhicule et de rejoindre la salle commune. Le ferry part, il est 3h30. On est épuisé. Il fait froid. On se trouve des bouts de chaises et on s’allonge dans les bras l’un de l’autre pour se réchauffer. La fatigue prend le pas, et tout à l’heure nous serons enfin là-bas !