Jour 52 : de Cologne à Jossigny, 500 km
Total : 10 645 km
Après une journée et une soirée tendues, nous sommes réveillés assez tôt par quelqu’un qui tape à la vitre de façon assez soutenue. Clément ouvre la fenêtre. Le propriétaire du camping est très agressif et n’a pas l’air de comprendre que nous ne comprenons rien à ce qu’il nous raconte en allemand. Clément s’agace.
Je prends le relai en général quand ce sont des Allemands mais là d’autant plus. J’explique tant bien que mal au bonhomme que nous allons payer et partir, qu’il n’a pas à s’inquiéter. Mais c’est peine perdue. Il m’indique sa femme qui parle anglais. Tout de suite, la tension redescend d’un cran. Je lui explique que je n’ai pas de monnaie, que des billets et que nous sommes arrivés dans la nuit, sans avoir pris le temps de chercher un distributeur et que c’est aussi simple que ça, que nous allons partir. Elle me répond de laisser tomber et de juste partir assez rapidement. Beaucoup plus sympa la madame !
Vu l’ambiance en effet, nous n’avons pas over envie de rester trop longtemps en ces terres hostiles. Le gap avec la Scandinavie nous explose au visage. En quelques heures de conduite, nous passons de la douceur incarnée à l’agressivité facile.
Nous ne nous attardons pas et reprenons le chemin. Les routes allemandes pour le coup ne nous avaient pas trop manqués. Éternellement en travaux, moyennement agréables, bondées de monde et dans un paysage dès plus laid, nous prenons gentiment conscience que le rêve prend fin sous nos yeux. L’appli Waze nous le fait comprendre aussi en sonnant toutes les 2 minutes pour nous prévenir de 1000 et 1 dangers. Waze qui devait être en silencieux en Norvège je ne sais pas….
On est bof bien. On se dispute pour rien. On fatigue aussi. On a un peu les boulottes. Bref c’est pas foufou la frite ce chemin de retour. Le bercail se rapproche à grand pas et il ne nous reste que quelques heures pour vivre ce voyage, se remémorer des souvenirs d’il y a si peu de temps. Nous nous arrêtons à une aire d’autoroute beaucoup trop familière et retrouvons nos codes, ce qui nous achèvera totalement. Je reprends le volant suite à cette pause et accélère pour abréger le badtrip. D’autant que l’heure tourne. Antoine nous attend.
Passage de frontière, familiarité, radars, policiers, nuages, A4, A6, A1, Disneyland, ok ça nous dit quelque chose… C’est avec tous nos amis parisiens en sortie de boulot que nous roulons sur nos derniers kilomètres, ramenant notre maison sur roue à Jossigny, chez son « vrai » propriétaire.
Nous arrivons exténués et moroses chez Freed Home Camper, là, à Jossigny, où tout a commencé il y a 52 jours, mais Antoine nous redonne le sourire en deux secondes. On ne peut s’empêcher de parler très vite, de vanner beaucoup, de raconter, raconter, raconter et de faire plein de trucs en même temps, comme si la logorrhée et le rythme traduisait le bouillonnement intérieur. Nous prenons la mesure de ce qu’il se passe : notre voyage est fini, notre couple a survécu et n’est que plus solide à 52 jours non stop dans 4m2, un de nos rêves est réalisé, notre projet est un succès et notre van retrouve son vrai chez soi. Nous devons le vider, transvaser toute notre vie dans la Twingo qui nous attend ici depuis deux mois. Compliqué. Beaucoup d’émotions.
Antoine continue ses conseils pour l’après voyage. Le choc, le retour, le temps de réadaptation. Tout ça, heureusement car nous sommes quand même devenus deux ermites qui retournons en ville. Deux Robinsons qui quittent leur ile pour retourner à la civilisation. Angoisse. Nous sommes partagés entre l’envie de rester et de parler de tout cela pendant des heures et la fatigue qui se fait sentir dans nos jambes.
Tant bien que mal, nous traînons et repartons à bord d’un pot de yaourt rouage vers Paris 19e. Nous nous sentons quasi instantanément vulnérables. La Twingo est basse, comme si elle glissait sur le sol, alors que dans le van, nous nous sentions les rois du monde, dans cockpit d’avion ! Désormais nous ne voyons plus le monde, mais juste quelques mètres tout autour de nous et encore ! J’oublie de changer les vitesses mais les réflexes reviennent et nous retrouvons notre périphérique oublié. La suite est bourdonnante. Retour au parking, à l’appart, sentiment de vide, de ne pas savoir quoi faire, de ne pas être à notre place, d’être enfermés. Le plaisir de la douche est vite dissipé par la désorientation. Et pourtant nous sommes chez nous. Le studio de 27m2 nous semble immense après les 4m2 du van, et pourtant très vite on étouffe. Besoin d’air, on sort dès que possible prendre l’air près de notre canal, dans notre bar habituel. Mais rien n’y fait, on n’y est pas. Trop de monde, trop de bruit, trop de tout.
On a du mal à parler, une sirène de police retentit de nulle part et se jette dans la rue où nous sommes en trombe. Ohlalala. Où sont les Fjords, les forêts, le calme, la déco Ikéa ?
Nous rentrons finalement chez nous exténués, prêts à dormir dans notre lit. Heureusement nous avons un mariage après-demain dont l’organisation nous occupera l’esprit très vite, malheureusement c’est très vite et il va falloir se faire à l’idée de se re-sociabiliser d’ici 48h !
Après deux semaines particulièrement compliquées la vie a finalement repris son cours. De nouveaux rêves ont émergés depuis, de nouveaux voyages sont imaginés et l’envie de vivre nos congés le plus possible en van est désormais chose acquise et partagée. Une amitié est née avec Antoine et Sabrina de Freed Home Camper, des idées de collaboration et de partenariat se dessinent. Notre couple s’est bétonné et est prêt à vivre de nouvelles aventures, les unes après les autres, tout au long des années qui nous attendent !
Un énorme merci à Freed Home Camper !